L'armoire du Louvre attribuée à Hugues Sambin

catherine auguste
par Catherine Auguste
ancienne élève des Beaux-Arts de Paris
designe et décore des cabinets de curiosités

L'armoire du Louvre longtemps attribuée à Hugues Sambin
Description de l'armoire du Louvre attribuée à Hugues Sambin :
vers 1580, armoire deux portes en noyer et partiellement en chêne ; la Renaissance va substituer le noyer au chêne du Moyen Âge
dimensions : hauteur 2,06 m ; largeur 1,50 m ; profondeur 0,60 m
On distingue à l'intérieur des décors peints en faux marbre et sur les latéraux extérieurs des motifs d'entrelacs chers à Androuet du Cerceau et aux ornemanistes de la Renaissance
D
on fait par la marquise Arconati Visconti en 1916 au Musée du Louvre

Pour voir l'armoire et ses détails, quelques liens :

sur Hugues Sambin depuis la Gazette de Drouot

sur l'armoire du Louvre, quelques photos

sur le site europeana, des oeuvres d'Hugues Sambin

 

Vie et influences de Hugues Sambin

 

Comme beaucoup d’artistes de son époque, Hugues Sabin réunit de nombreuses qualités : menuisier (ce terme désigne les artisans qui construisent les meubles), sculpteur, ingénieur, architecte, décorateur, graveur. On lui attribue certaines maisons de Dijon dont l’Hôtel Marc Fyot, la maison Milsand, la porte du Palais de justice, une armoire à deux portes au musée des Arts décoratifs de Paris, un autre meuble au musée de la Renaissance d’Ecouen, etc.

Né à Gray vers 1520 d’un père menuisier, on le retrouve à Fontainebleau où il réside quelques mois durant l’année 1544 dans l’équipe de menuiserie.

Il devient maître dans cette spécialité en 1548 à Dijon avant qu’il ne reprenne l’atelier de menuiserie de son beau-père jusqu’à la mort de ce dernier en 1565. Il est actif pour de riches commanditaires de Bourgogne et de Franche-Comté et jusque dans les anciens Pays-Bas espagnols.

Après la mort de son beau-père, sa présence à Dijon est épisodique. Il décède en 1601.

On dispose d’assez peu d’éléments sur sa vie et un certain nombre d’œuvres lui sont attribuées mais peu sont authentifiés avec certitude. De ce que nous savons de lui semble surgir la même intensité vitale qu’un Bernard Palissy, le même désir d’aborder des domaines différents et de participer à cet élan novateur de la Renaissance.

Sambin est fortement influencé par son passage au sein des équipes de Fontainebleau. Le système ornemental élaboré par le Rosso et le Primatice notamment dans la galerie François Ier explose littéralement dans son œuvre qui restera marquée pour toujours par ce court séjour  bellifontain. Mais ses racines bourguignonnes n’en demeurent pas moins absentes. Ainsi quelques éléments régionaux prennent place comme le fameux « chou bourguignon » ou les rinceaux de lierre plutôt que d’acanthe.

Voyons maintenant comment cette armoire du Louvre révèle à la fois le succès du maniérisme bellifontain et la personnalité du provincial Hugues Sambin.

 

L’armoire du Louvre


on voit dans ce détail de l'armoire d'Hugues Sambin : les éléments architecturaux (colonnes et fronton), les guirlandes de fleurs et les rinceaux, le chou bourguignon sous le fronton et la figure d'Hercule

L’attribution remise en question

Cette armoire a longtemps été attribuée au Dijonnais Hugues Sambin du fait de la qualité d’exécution et de la profusion ornementale, deux caractéristiques de sa signature stylistique. Mais l’analyse plus approfondie a permis d’établir l’influence concomitante de Jacques Androuet du Cerceau. Ce dernier, ornemaniste contemporain du maître dijonnais, publie dès 1550 son fameux Recueil gravé de meubles puis Les plus excellens bastiments de France en 1576. Sambin suit le même chemin avec son ouvrage L’œuvre de la diversité des termes dont on use en architecture, reduict en ordres en 1572. Ce recueil regroupe une série de termes ; ces ornements en forme de buste posé sur une gaine restent une des marques de son style.

Ces recueils d’estampes connurent des retentissements considérables auprès des architectes et des menuisiers qui trouvaient des modèles à recopier ou interpréter.

L’armoire du Louvre est un bel exemple de multiples influences :

-         d’Androuet du Cerceau, on devine les motifs d’entrelacs des latéraux, l’introduction de l’architecture dans le mobilier, les colonnes ornées de rinceaux,

-         de Sambin, les termes ainsi que la profusion ornementale des façades sculptées ne laissant pas de place au vide,

-         du style bourguignon, la présence de certains motifs comme le « chou bourguignon » sous les frontons, les rinceaux de lierre plutôt que d’acanthe,

-         de la seconde Renaissance, le rappel de l’antique avec la figure d’Hercule dans sa niche inspirée de Rosso, le goût de l’allégorie avec les panneaux peints représentant la création de l’homme et le meurtre d’Abel par Caïn, le règne de l’architecture sur le mobilier.

Les citations ornementales

Les termes, signature stylistique majeure de Sambin, sont les trois bustes posés sur gaine ou colonne et ceinturés de draps à la manière de ceux dessinés par Sambin dans son ouvrage L’œuvre de la diversité des termes dont on use en architecture, reduict en ordres. Les deux représentations masculines ont des allures faunesques avec la présence d’oreilles pointues dans la chevelure. Ces trois termes sont dits canéphores car tous portent une corbeille sur la tête.

Le « chou bourguignon » est un motif végétal de forme verticale à mi-chemin entre la palmette et la feuille d’acanthe ; il est caractéristique du style régional bourguignon. Ils se trouvent sous les frontons.

Les guirlandes de fruits et de fleurs

Les panneaux peints : la création de l’homme et le meurtre d’Abel par Caïn sont attribués au peintre verrier dijonnais Evrard Bredin.

Les éléments architecturaux sont nombreux : fronton, niche, colonne, console, goutte et rosace.

Les éléments décoratifs empruntés au répertoire de la Renaissance : guirlandes de fleurs et de fruits, rinceaux, oves, mascarons, mufles de lions, palmettes, les sculptures dans les niches (la figure d'Hercule sculptée sur le vantail de gauche dérive d'un modèle gravé en 1526 par Caraglio et inspiré par la suite des Dieux dans les niches de Rosso).

 

En conclusion : une armoire représentative du maniérisme bellifontain

 

Dès la seconde Renaissance, quand François Ier fait venir des artistes italiens renommés à Fontainebleau, l’architecture va régner sur le mobilier. L’armoire se présente comme une façade monumentale à deux étages où se décline un ensemble de citations ornementales ne laissant aucun espace vierge. Outre l’aspect architectural et le foisonnement décoratif que l’on retrouve dans la galerie de François Ier à Fontainebleau, l’armoire du Louvre offre également une juxtaposition de techniques (sculpture, bas-reliefs, peinture). Il en résulte un jeu de reliefs efficace à nous perdre dans une illusion architecturale. Nous sommes bien là dans le maniérisme bellifontain dont le style de Sambin s’inspire.

 

Des liens pour voir l'armoire et des détails

 

sur Hugues Sambin depuis la Gazette de Drouot

sur l'armoire du Louvre, quelques photos

sur le site europeana, des oeuvres d'Hugues Sambin

 

Un livre à lire

 

Hugues Sambin, Un créateur du XVIe siècle
Ouvrage collectif sous la direction d'Alain Erlande-Brandenburg
Cahier du musée national de la Renaissance n°1

Comme Bernard Palissy, Hughes Sambin relève du mythe. Certes sa vie ne fut pas transformée en légende, mais on sent la même intensité vitale, la même soif de recherches, le refus de se laisser cantonner dans un domaine trop étroit, qui le conduisirent à se faire tour à tour menuisier, dessinateur, graveur , ingénieur, militaire, hydraulicien et architecte. Fortement marqué dans sa jeunesse par son passage sur le chantier du château de Fontainebleau, il semble avoir exercé une forme de fascination chez ses riches commanditaires de Bourgogne et de Franche-Comté. Il fut actif jusque dans les anciens Pays-Bas espagnols pour le gouverneur du duché de Luxembourg. Sa pratique de menuisier, qu’il n’a jamais reniée, offre l’occasion d’aborder dans cet ouvrage certaines des questions touchant au mobilier en particulier dans cette période charnière qui voit un renforcement de la spécialisation des meubles et notamment la naissance du « cabinet ».

 

   

 

 


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