Draperies et plis : l’étoffe en trompe-l’oeil

par Catherine Auguste
ancienne élève des Beaux-Arts de Paris
designe et décore des cabinets de curiosités

A l’occasion des deux expositions simultanées du musée du Papier Peint de Rixheim, Bordures et frises du XVIIIe et du XIXe siècles et Papiers peints de la première moitié du XIXe siècle, le site du Meuble Peint s’est attaché à présenter l’un des motifs dominants d’illusion de papier : l’étoffe, ses draperies et ses plis dont un grand nombre d’échantillons sont exposés au musée de Rixheim.

papier peint à motif de draperie vers 1800, musée du papier peint de Rixheim
Effets de draperies et de passementeries
Papier peint à motif de draperie (détail), manufacture inconnue, France, vers 1800-1810. Impression à la planche
©
D. Giannelli, musée du papier peint de Rixheim

 

Illusions de papier

 

Dès le début de son histoire le papier peint joue l’illusion : marbre, cuir, architecture…tout a été copié. Cependant le motif dominant d’illusion reste le textile, sans doute parce que celui-ci joue un rôle majeur dans le décor de la maison bourgeoise. Tendu ou en simple drapé, il se déroule sur les murs. Il apporte confort, intimité et permet également d’afficher le statut social quand il est somptueux ou abondant. C’est ainsi que le papier peint s’efforce d’imiter les textiles les plus somptueux tout d’abord.

La tradition la plus ancienne remonte aux papiers anglais du XVIIIe siècle imitant les riches velours damassés qui sont posés tant dans les maisons bourgeoises que dans les demeures aristocratiques. De-là, ils pénètrent en France par le manufacturier Réveillon avec un grand succès offrant à la bourgeoisie un décor emprunté à l’aristocratie pour un investissement moindre.

paravent à décor de draperie
Paravent à décor de draperie, manufacture française, vers 1810-1815,
papier rabouté, fond mat, impression à la planche, 9 couleurs,
collection privée, Haute-Alsace, en dépôt au Musée de Rixheim

Mais le papier ne s’arrête pas au velours et de nombreuses étoffes sont imitées : indiennes, damas, soieries, toile imprimée, dentelles, tapisserie. Les échantillons conservés de la manufacture Réveillon et de ses successeurs Jacquemart & Bénard en sont révélateurs où même certaines imitations d’indiennes nous laisse croire qu’une collaboration étroite eut lieu avec la manufacture de textile d’Oberkampf à Jouy.

Des procédés artisanaux, les fabricants évoluent vers des méthodes industrielles : papiers de meilleures qualités, colorants de plus en plus variés, introduction du procédé de la taille-douce dans la technique d’impression (1826), mise au point de l’irisé (1819), perfectionnements apportés à la tontisse. Toutes ces innovations conduisent à des imitations troublantes où tous les rendus deviennent possibles pour un public friand d’effets.

 

Les draperies à la mode

 

Dès la fin du XVIIIe siècle et jusque dans les années 1830, les draperies sont particulièrement à la mode et se développent sous des formes très variées jusqu’à la fin du siècle. Murs et fenêtres sont habillés de textile en surabondance. Bernard Jacqué parle dans son livre (Papier peint, décor d’illusion) de « Niagara de textile ». Le papier peint affiche alors toutes les influences néo-classiques des gravures reproduisant des bas-reliefs antiques et des décors intérieurs de Percier et Fontaine. Les commandes impériales de soieries lyonnaises (Lyon était un grand centre de création de motifs textiles) des années 1810 servent aussi d’inspiration au papier peint pendant plus de deux décennies.

modèles de papiers peints en draperie, manufacture Dufour, musée du papier peint de Rixheim      draperie en papier peint, manufacture Dufour & Leroy      papier peint au salon de la Villa Christine à Nice

à gauche : modèles de draperies de la manufacture Dufour
au centre : Papier peint à motif de draperie, Manufacture Dufour & Leroy, Paris, 1825-6, ancienne collection Follot, Musée du Papier Peint de Rixheim. Il s’agit du papier peint qui a servi à décorer le salon de la Villa Christine à Nice.
à droite : Salon de la Villa Christine, Nice vers 1830, aquarelle d’une princesse suédoise, Collections royales de Suède, Stockholm

Les murs se couvrent de panneaux en trompe-l’œil où la soie, le velours ou le satin plutôt que d’être tendus, se plissent, se drapent à la verticale ou bien sont retenus par des passementeries et des embrasses dans des compositions plus ou moins complexes. Les premiers drapés comme ceux de Dufour du début du XIXe siècle sont encore raides et gardent souvent la marque du fer. On y retrouve l’influence de Percier et Fontaine.

Puis dès les années 1820, le réalisme est poussé à l’extrême tout d’abord grâce aux innovations techniques, déjà citées, capables de donner des brillances et des satinés, d’où l’essor des imitations de soieries, mais aussi grâce aux jeux d’ombre multiples dans les plis représentés. Les plis s’épaississent, la matière gonfle et les formes semblent oublier la raideur néo-classique. L’étoffe en trompe-l’œil semble vibrer sous l’effet de la lumière. Même chose pour les frises et les bordures où les plis du velours, les plumes et les fleurs sont combinés.

détail de draperie en papier peint, manufacture Dufour, musée papier peint de Rixheim

détail de draperie et passementerie, manufacture Dufour, musée papier peint de Rixheim

Papier peint à motif de draperie (détail), impression à la planche
manufacture Joseph Dufour, Paris, vers 1820.
©musée du papier peint de Rixheim

Papier rabouté, fond satiné, impression planche, 15 couleurs
manufacture Dufour, Paris, 1808, H 0,59m x l 0,54m, R 0,54m
©musée du papier peint de Rixheim

Des soieries, le relais est pris par la représentation des dentelles et des tulles brodés dont la finesse et la précision du modelé sont dues au procédé de la taille douce. Puis dans les années 1840 apparaissent les tentures capitonnées de papier, précédées par les meubles à capitons qui remportaient un vif succès, et par quelques rares exemples de tissus muraux plissés par des clous disposés en losange. Ces tentures de papier agrémentées de boutons et parfois d’un flot de rubans sont capables de transformer la pièce en un confort cotonneux.

motif de guipure en papier peint, manufacture Zuber, musée du papier peint de Rixheim

motif capitonné en papier peint, manufacture Zuber, musée du papier peint de Rixheim

motif de guipure, manufacture Zuber et Cie, 1879, Regereau (dessinateur)
papier rabouté, fond satiné, impression à la planche, 3 couleurs
H 0,710m x l 0,470m, R 0,495m
©musée du papier peint de Rixheim, fonds Zuber

motif capitonné rose à galon gris, manufacture Zuber et Cie, Rixheim, 1856
papier continu, impression planche, 12 couleurs
H 0,855m x l 0,570m, R 0,570m
©musée du papier peint de Rixheim, fonds Zuber

 

Tapis et tapisseries

 

Les motifs de tapis puis des tapisseries vont tenir une place importante dans la deuxième moitié du XIXe siècle. Les tapis de papier sont proposés à plat mais aussi drapés dans des compositions de plis dignes des ateliers d’artistes, une des références en matière décorative de cette fin de siècle.

Quant au motif des tapisseries, on n’hésite pas à l’accorder au mobilier à la mode que sont les salles à manger Henri II. On trouve ainsi panneaux, en continu, évoquant des verdures habitées de personnages. Mais aussi des tableaux de Dame à Licorne ou des Grandes chasses de Maximilien. Toute l’influence de William Morris transparaît. Mais l’illusion reste totale car non seulement on retrouve le dessin du tissage mais aussi sa matière grâce au gaufrage du papier, technique introduite en France dans les années 1840.


Tapis drapé, France, vers 1893, papier continu, impression mécanique, 20 couleurs, taille douce, H 0,625m x l 0,495m, R incomplet, musée du papier peint de Rixheim, fonds Claude Frère, réédité en tissu imprimé par Pierre Frey sous l’appellation « les trois coups »

Les effets de trompe-l’œil perdurent tout au long de l’histoire du papier peint mais c’est sans doute au XIXe siècle qu’il s’exprime avec le plus d’emphase. On peut l’expliquer d’une part par la montée d’une société bourgeoise en quête de confort et soucieuse de décors à paraître, d’autre part par une multitude d’innovations techniques permettant de reproduire les illusions les plus fascinantes sur papier. Le textile a une place d’honneur dans le trompe-l’œil de papier mais n’oublions pas la maîtrise accordée à d’autres matériaux ou décors : cuir repoussé ou doré, lambris de boiserie, faux marbre, passementeries, pilastres, dessus de porte et tous les sculptures et bas-reliefs des décors d’architecture.

draperie et guirlande, manufacture Mader, musée papier peint de Rixheim
Bordure à draperie et guirlande de fleurs en camaieu, manufacture Mader, Paris, vers 1825 ; papier rabouté, fond satiné, impression à la planche, veloutage et repiquage, 14 couleurs, H 0,57m x l 0,54 m, R 0,54m,
©musée du papier peint de Rixheim

  

Un livre à lire et à commander directement

 

Le papier peint, décor d’illusion,
de Bernard Jacqué, Editions Gyss, 1989

 

Visiter le Musée du papier Peint de Rixheim

musée du papier peint de rixheim

Le musée du papier peint de Rixheim est installé dans une commanderie du XVIIIe siècle, consacrée depuis 1797 à la fabrication du papier peint. Les collections regroupent 130 000 documents dont la production complète de la manufacture Zuber & Cie du XVIIIe siècle à nos jours. En outre, le musée conserve et présente un ensemble de matériel technique permettant de comprendre la fabrication du papier peint du XVIIIe siècle aux années 1930.

La Commanderie
28 rue Zuber
BP 41
F68171 RIXHEIM Cedex
Tél. +33 (0)3 89 64 24 56
http://www.museepapierpeint.org

   

 

 


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