bargueno écritoire
noyer et incrustations d’os, XVI° siècle, Aragon, Espagne
Il n’y avait pas vraiment de capitale administrative à cette époque
si bien que ces coffres voyageaient très souvent et leur système
de fermeture permettait de ranger des documents en toute sécurité.
Le bargueno reposait souvent sur un coffre traditionnel ou sur un piétement.
Du fait des nombreux déplacements, on le trouve souvent
aujourd’hui sur des bases d’époque et de style différents.
On a suggéré que leur origine commença en Aragon où les
traditions musulmanes et italiennes s’interpénétraient. |
Le bargueno est donc un
cabinet espagnol mauresque dont le nom fait référence à Bargas,
village situé près de Tolède, qui était un centre important de
marqueterie aux XVI° et XVII° siècles. Sa forme est celle d’un
coffre muni d’un abattant à l’avant et placé sur un piètement.
L’intérieur s’organise autour de nombreux tiroirs décorés.
Le bargueno est l’escritorio
espagnol dont la double fonction est d’être écritoire portatif
mais aussi coffret à documents. La civilisation islamique présente
jusqu’au XV° siècle en Espagne va contribuer à la diffusion de
ces premiers cabinets. Il apparaît ainsi comme le meuble le plus fréquent
jusqu’à la Renaissance car il se déplace facilement à une époque
où les pèlerinages, les croisades, le commerce ou les guerres
rendent nécessaires de longs voyages. Aux XII° et XIII° siècles,
l’Espagne et Venise deviennent des foyers de rencontre entre l’Occident
et l’Orient grâce aux croisades. Les influences s’entremêlent,
le bargueno en porte les marques dans le raffinement de l’exécution
de sa forme et de son décor. Ainsi les nombreux tiroirs de
dimension variable sont dissimulés derrière un abattant fermé à
clé qui, une fois ouvert, sert d’écritoire. L’abattant ouvert
repose sur des tirettes au motif de coquilles en souvenir des
coffres portatifs des pèlerins de Saint-Jacques de Compostelle.
Fermé, il est maintenu par d’importants loquets et ferrures
massifs qui sont en eux-mêmes des éléments décoratifs majeurs et
dont le travail est inspiré de l’artisanat proche-oriental.
D’extérieur, le
bargueno est de construction simple : une forme parallélépipédique
aux arêtes nettes. De ces lignes rigides se dégage sa beauté :
pureté des lignes et matériaux massifs. Les panneaux de bois du bâti
sont en chêne massif, châtaignier et plus souvent encore en noyer.
Etant un coffre
portatif, il est posé sur un piétement à arcatures (combiné
parfois avec du fer forgé) appelé pie de puente ou directement sur
un coffre bas à tiroirs. Des sculptures, des colonnes embellissent
les pieds et ce d’autant plus que l’on approche le XVII° siècle
baroque. Beaucoup de barguenos n’ont plus leur piétement
d’origine car on se contentait le plus souvent de transporter
uniquement le coffre.
Malgré la capitulation
des Arabes en Espagne en 1492 on continue à ressentir l’influence
islamique dans l’ornementation :
- après 1492, les artisans musulmans toujours en
activité en Espagne développent le style mudéjar. Le mobilier est
incrusté de petits morceaux de bois, de nacre, d’os ou d’ivoire
reprenant les motifs d’étoiles, de fleurs et d’arabesques de
l’artisanat islamique. Ce décor répétitif et très géométrique
est parfois souligné d’un fin filet de bois, le laceria.
- vers le milieu du XVI° siècle, apparaît un
style décoratif appelé plateresque aux motifs antiquisants de
grotesques, de guirlandes ou de médaillons qui rappellent le
travail d’orfèvrerie. L’influence italienne n’est pas très
loin. Ce style plateresque est fréquemment mêlé à la géométrie
des étoiles et des damiers mudéjar.
Dans le même temps on introduit des sculptures rapportées (souvent
de buis) sous forme de colonnettes, de médaillons qui tranchent sur
un fond de velours rouge. Les verrous et les poignées latérales
sont mis en scène de façon analogue sur fond de velours rouge.
- Plus tardivement encore vers le XVII° siècle
l’influence européenne italienne ou germanique gagne du terrain.
Bargueno de style
plateresque
en noyer sur pied en arcatures avec incrustations d’os selon un
style plateresque : motifs d’urne, de grotesque italianisants
avec toujours l’influence islamique des incrustations géométriques
(damier, étoile…)
Aragon, Espagne, fin XVI° siècle
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